Pénétrer dans la crypte, le matin, vous saisit.

A vos pieds, les premières images sont dans l’ombre, les plus éloignées flamboient dans les rayons du soleil qui se déverse à travers les vitraux entr’ouverts.

Hasard heureux, symbole de la marche, aussi bien tendue vers un but radieux que but en elle-même pour l’accomplissement de soi.

Car, accompagnées par le très beau texte d’A. Strickler,’ L’homme qui marche’, et l’accompagnant en marchant, les aquarelles et calligraphies de Colette Ottmann dessinent au sol un chemin : enchâssées dans des pupitres bas, elles mènent dans l’allée centrale jusqu’au chœur.

Sans texte d’abord, un personnage suspendu entre ciel et terre, comme une invite à se centrer.

Puis les calligraphies et les aquarelles alternent, en même temps qu’élan et plénitude, exubérance et méditation, bouillonnement et retenue, érotisme et sérénité, dominantes chaudes et dominantes froides, inspir et expir : le rythmes des pas, le rythme du sang. Mais toujours dans des couleurs lumineuses et délicates qui ruissellent.

Marchons, tantôt sous le signe du labyrinthe ou de la spirale, tantôt droit. Peut-être les contraires se confondent-ils à la fin.

Au bout du chemin, des panneaux latéraux, l’un bouillonnant, l’autre apaisant, ramènent l’attention sur le dernier, qui semble plus petit : adossé à l’autel, mais au pied ; plein délan, mais sans ostentation ; but, mais sans triomphe. Equilibre. Une flamme légère.

Anne Kaiser

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La fraîcheur, sans éblouir, est un refuge. On pourrait s’en arrêter là , dans cette formule lapidaire, pour définir l’œuvre picturale et calligraphique de Colette Ottmann. Mais ce serait se priver d’une bonne nouvelle : le soleil fait du porte à porte devant chaque panneau, qu’il soir à terre, suspendu ou posé, et l’on se sait à l’orée d’un secret. On peut alors, d’un pas de premier jour, aux quatre points cardinaux de la crypte, se chercher et chercher l’Autre.

Dans ces grandes récréations de calme, l’écriture s’amuse du temps qui passe et nous pouvons alors – en riant- nous glisser dans les entrelacs des lettres et des couleurs. Lettres au lieu de livres, plus vivantes qu’un journal. Lettres qui s’élancent, plus vivantes que paroles, de pouvoir être relues et qui permettraient enfin cette proximité, ce chuchotement où l’on se demande, est-ce moi qui parle, est-ce l’Autre qui parle ?

Pendant des heures, le geste de l’écriture, toujours en mouvance, dynamique et insolite, pénètre le grain du papier. Le saupoudrage des aquarelles répond et se joue de la lumière. Un feu sous-jacent couve dans les créations de Colette Ottmann. Une joie s’y initie.

Mais, si, inconsolable, on attendait encore une lueur, c’est à la nuit tombée, au silence soudainement venu, à l’immobilité qu’il faudrait arracher un reflet. On pourrait alors prendre le papier entre ses doigts, laisser glisser les blancs. On le défroisserait, le déplacerait comme une relique. Le corps pourrait s’incliner jusqu’à toucher l’invisible, le feu visuel, le paysage clairvoyant, dont chaque seconde nous sommes les colporteurs, tant de joie découverte ça et là, pas à pas, au fil des panneaux.

Pascale Wolff

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